Feydeau

La Ligue des Gentlemen dispose de deux locaux implantés dans le chef-lieu de la Loire-Atlantique, à deux minutes de marche l’un de l’autre. Les aventures de cette enseigne d’escape game nantaise portent toutes des noms de code : « Verne », « Élite », « LU » ou encore « Feydeau », sujet de cette review, jouable au 8 quai Turenne. Cette room a été élue meilleur jeu de la région Pays de la Loire aux Escape Game Awards 2020, deux années après son ouverture.

Feydeau n’est pas qu’un dramaturge français… C’est aussi une ancienne île de la Loire qui donne aujourd’hui son nom à un quartier situé en plein cœur de la ville de Nantes. Et pas n’importe quel quartier : ses vastes immeubles et ses fastes hôtels particuliers rappellent qu’il était autrefois habité par de riches armateurs, capitaines et négociants impliqués dans le commerce triangulaire qui s’est développé dès le XVIe siècle dans ce qui était alors le premier port de France.

Le scénario

« Nantes, 1832. Voilà maintenant un an que l’abolition de la traite négrière a été décrétée. Il semblerait qu’au moins un armateur nantais habitant sur l’île Feydeau continue cette pratique. Votre mission, si vous l’acceptez, va être de vous rendre dans son entrepôt avec la plus grande discrétion, afin de trouver des preuves permettant d’attester la poursuite de ses activités illégales. »

Dénoncer l’esclavagisme

Pendant trois centaines d’années, plus de 12 millions d'Africains furent ainsi réduits en esclavage. C’est cette période sombre de l’histoire que la Ligue des Gentlemen a souhaité aborder à travers cet escape game, et rien que cette démarche mérite d’être saluée car la tâche est loin d’être évidente. Dans « Feydeau », aucun faux pas n’est à déplorer : le scénario a été mûrement réfléchi, tout comme le rôle du joueur, qui est clair et sans ambiguïté puisqu’il n’est bien entendu jamais question de cautionner, de minimiser ou de « jouer les esclavagistes ». Bien au contraire, l’objectif des équipes est d’enquêter et de dénoncer.

Nous voici justement sur l’île Feydeau, dans l’un des QG de la Ligue des Gentlemen. Après de brèves consignes délivrées par notre agent de liaison, nous entrons dans le bureau de l’armateur hors-la-loi que nous sommes bien décidés à faire tomber… En fouillant les lieux, nous constatons vite que l’homme sans scrupules organise son abject business depuis cette pièce. Les énigmes explorent ainsi trois thématiques principales : la logistique liée au commerce triangulaire, les produits marchandés et les échanges financiers qui en résultent. Pendant une heure, nous sommes plongés au sein du système esclavagiste grâce à des casse-têtes qui permettent de mieux appréhender ses tenants et aboutissants…

Le jeu est majoritairement basé sur des étapes de fouille et de réflexion : ces deux composantes se taillent la part du lion. Même si les manipulations se montrent légèrement en retrait, notons que deux d’entre elles constituent les séquences les plus originales et inattendues de la partie, et notamment une en particulier, qui met à l’épreuve un sens très rarement exploité dans les escape games.

Simple mais efficace

Si « Feydeau » ne regorge pas d’énigmes, ces dernières exigent néanmoins d’associer correctement de nombreuses informations disséminées ça et là… Pour en venir à bout, il vous faudra donc être organisé et observateur. En faisant preuve de méthode, les équipes expérimentées ne devraient rencontrer aucun problème et apprécier cette salle qui se caractérise par sa grande fluidité.

Un petit twist scénaristique vous attend au tout début de la partie, très simple mais très efficace, et accompagné d’un effet spécial dans la même veine. L’adage « simple mais efficace » sied d’ailleurs parfaitement à cette aventure, qui ne présente globalement rien d’exceptionnel mais dont les étapes intuitives et les décors cohérents démontrent une certaine maîtrise.

En ce qui concerne les décors justement, les vieilles pierres du local de la Ligue des Gentlemen confèrent à la room un certain cachet réhaussé par les matières boisées choisies par l’enseigne pour donner vie au XIXe siècle. Dans l’atelier de l’armateur nantais, rien ne dénote… si ce n’est les casse-têtes que vous résoudrez, qui ne sont pas vraiment crédibles au vu de l’intrigue et s’avèrent surtout être des prétextes au jeu. Une fois ce point faible accepté, on prend un malin plaisir à accomplir la mission, mais aussi un point d’honneur à recueillir les preuves accablantes que l’on est venu chercher, afin que l’histoire ne se répète plus jamais.